Un journal indien par Corinne Caratti, une invitation à partager un voyage merveilleux au pays de la lumière, où rien n'est jamais vraiment ce que l'on croit, et pourtant tout semble bien réel.

Chapitre XI

Bénarès





Samedi 28 avril 2001 . Chennai Central-Varanasi Junction, 427 roupies, 1 838 kilomètres, et près de quarante heures de voyage en train...
Deux enfants regardent par la fenêtre. Que voient-ils à travers l'obscurité de la nuit ? Perdue sur mon chemin en quête de vérité, me voici insomniaque alors que mes compagnons de compartiment dorment profondément, occupés à rêver peut-être ? J'ai du mal à me concentrer sur mes propres pensées. Je suis désorientée, chancelante, pourtant tout semble converger dans la même direction. Je ne devrais pas douter. Il n'y a pas d'autre alternative que d'avancer. Tout semble se précipiter à l'intérieur de mon crâne, et pourtant... Le rythme du train est nonchalant.
Paradoxe obsédant. Je me sens extrêmement lucide et en même temps j'ai l'impression déstabilisante d'être en dehors de mon corps. Comme sous LSD. Je ressens les choses et les gens si intensément, si viscéralement... C'en devient presque gênant. Mes perceptions s'aiguisent, elles me bombardent d'informations. I am overloaded. Je passe de plus en plus de temps en contemplation. Je fixe mon regard sur un point et j'essaie de ne plus penser à rien. Pour m'aider, je me récite un mantra, que je répète à l'infini, jusqu'à me relâcher. Je suis seule, en quête de moi-même, sur une terre étrangère. Et pourtant... Depuis que j'ai atterri ici, je ressens une présence bienveillante qui veille sur moi, comme une main invisible qui
me guide sur le chemin, à travers des lieux qui me semblent si familiers, comme si j'y étais déjà venue... Jusque-là, tout va bien.
 Je regarde la nuit passer par la fenêtre du train. Petit croissant de lune qui va bientôt se remplir, jusqu'à se métamorphoser en pleine lune, puisà son tour le cercle va progressivement se vider jusqu'à devenir invisible et sombre, et puis encore, et encore... Un cercle complet. Un cycle éternel et perpétuel de vie et de mort. Là-haut dans le ciel, ici-bas dans mon ventre. J’inhale les dernières bouffées d'une ultime cigarette, debout entre les wagons avant d'aller poser mon corps en position horizontale. Tout est si calme, je contemple l'obscurité, je m'y confonds. Je sens une brise légère et douce traverser le compartiment. Les cliquetis du train sur les rails m'emportent bientôt au-delà de mes pensées, pendant que les mouvements de va-et-vient me bercent jusqu'à m'endormir...



MAHA KALI





 

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