Un journal indien par Corinne Caratti, une invitation à partager un voyage merveilleux au pays de la lumière, où rien n'est jamais vraiment ce que l'on croit, et pourtant tout semble bien réel.

Chapitre III

Hampi

 (...)
 Jeudi 1 5 février, 9h47. Réveillée par la chaleur moite, j'ouvre péniblement les yeux. Ma nuit a été inondée de rêves étranges et troublants sur des événements qui se sont déroulés il y a longtemps, très longtemps. Un temps que j'avais presque oublié, effacé, comme s'il s'agissait d'une autre vie... Quelle nuit ! Incroyablement intense et chaotique. Je me lève chamboulée. Les ombres du passé ressurgissent tout à coup au pays de la lumière. Il est temps de leur faire face pour de bon, de les accepter, pour
mieux les dompter. Pas de jour sans nuit. Pas de soleil sans obscurité. Il suffit juste de trouver un équilibre entre les deux. La chaleur m’assomme, elle force mon esprit et mon corps à se soumettre. Je n'ai aucune autre alternative que de prendre le temps. Observer, ressentir, me laisser aller. Accepter d'entrer en moi, de plonger dans les abysses de mon âme. Pourle meilleur et pour le reste...

Je passe la matinée dans la cour de la pension. L'ambiance y est familiale et très paisible. Je fais la sieste pendant les heures chaudes de l'aprèsmidi. Quand je me réveille, Michael est assis à l'ombre du manguier, il m'invite à l'accompagner de l'autre côté de la rivière pour explorer une autre partie d'Hampi. Temples, ruines, roche brune dorée, sur fond de ciel céruléen... Nos pas nous mènent lentement jusqu'au sommet de la colline Matanga à l’heure du coucher de soleil. Un petit groupe de backpackers y est déjà réuni autour d'un type qui joue du djembé sur un
rythme lent et hypnotique pendant qu'un chaiwallah verse sa chaude boisson sucrée à la demande. L'horizon s'étend à perte de vue au-dessous d'un ciel dégagé. Le colossal gopuram du temple Virupaksha se dessine distinctement avec sa paire de cornes de vaches au sommet. L'atmosphère
est tout simplement... divine.

Lorsque nous foulons les dernières marches qui nous ramènent au bazar, les dernières lueurs du jour s'estompent rapidement. Trois enfants viennent à notre rencontre et nous invitent à les suivre sous la colline, dans une grotte qui abrite le temple d'une déité dont ils sont à la fois les hôtes et les gardiens. Nous pénétrons en silence dans la caverne jusqu'à l'endroit où se trouve l’effigie d'une déesse. Nous nous recueillons un moment avec les enfants. Lorsqu’ils considèrent que le darshan a assez duré, ils nous font signe de venir nous asseoir autour du feu dans la cour et nous proposent de boire un verre de chai. Le plus âgé met une casserole à chauffer pendant que le plus jeune, qui ne doit pas avoir plus de quatre ou cinq ans, s'enveloppe dans une couverture rapiécée et s'allonge auprès du feu.
Ces enfants vivent-ils seuls ? Ici ? Leurs corps sont si jeunes, pourtant dans leurs yeux, dans leurs gestes, on devine que leurs âmes ne le sont pas. Sans pouvoir me l'expliquer, j'ai l'impression de les connaître, de les
reconnaître. Je n'ai jamais éprouvé une telle sensation. Peut-être sont-ils des anges incarnés ?
Le feu crépite, nous buvons notre thé, le petit s'est endormi. Il y a dans l’échange de nos sourires et de nos regards une communion silencieuse qui nous relie pendant un temps suspendu. Au moment de prendre congé, Michael sort son porte-monnaie et m'interroge du regard.
Devrions-nous laisser une offrande à ces enfants, si jeunes, si démunis, et qui pourtant viennent de nous donner tellement ? Le plus âgé des garçons s'approche, il pose sa main droite sur celle de mon compagnon, le fixe droit dans les yeux et fait non d’un signe de la tête. Il joint les mains devant son coeur et s'incline. Namasté. Nous répétons ses gestes et à notre tour, nous nous inclinons devant lui, devant son cadet et devant le corps endormi du benjamin. Namasté. Nous nous éloignons tout doucement, presque sur la pointe des pieds, pour ne réveiller ni l'enfant qui dort, ni la déesse qui veille, ni la magie qui nous enveloppe...

Le chemin jusqu'à la rivière est silencieux, la traversée aussi. Quand nous arrivons à la hauteur du Garden Restaurant, Michael suggère que nous nous y arrêtions pour dîner. Biryani végétarien au bord de la rivière, sous les étoiles, à envisager notre périple du lendemain vers le lieu de naissance d'Hanuman, à quelques kilomètres de Virupapur Gadde.
(...)
 
Hanumanji


Aucun commentaire: