Un journal indien par Corinne Caratti, une invitation à partager un voyage merveilleux au pays de la lumière, où rien n'est jamais vraiment ce que l'on croit, et pourtant tout semble bien réel.

Chapitre VII

Varkala & Kanyakumari


NEW SOUL

(...)
Au milieu de la route, une immense parade d'éléphants chemine à un rythme lourd, solennel et envoûtant. Chacun des pachydermes arbore une parure frontale rouge et or et porte sur son dos deux prêtres vêtus de blanc et protégés du soleil par une ombrelle colorée à franges. Le cortège est entouré par de nombreux wallahs. Celui qui dirige l’éléphant est muni d'une fine trique de bambou. D'autres, nombreux, sont chargés de nourrir les animaux le long du parcours et de s'assurer que personne ne les approche de trop près. Pour observer à notre guise la marche lente et majestueuse des pachydermes, nous traversons un dédale de cours et d'escaliers afin de nous poster sur une terrasse dominant la rue. Quel spectacle ! Les hommes ont l'air si petits aux côtés des géants gris... Derrière
eux s'avance une gigantesque marée humaine, composée de danseurs, de musiciens, de pèlerins, de sannyasins, de femmes et d'enfants. Tous évoluent au son de tambours déchaînés. 
Les éléphants disparaissent. Nous redescendons à toute vitesse de notre perchoir pour nous retrouver au milieu d'une foule d'individus qui ne forment plus qu'un seul corps. La ville entière est en liesse, le temps suspend sa course. La musique s'amplifie, les tambours s'accélèrent, le rythme de la procession aussi, au fur et à mesure qu'elle se rapproche du temple. Nous nous frayons un passage au milieu du cortège jusqu'à ce que nous apercevions enfin le char qui transporte Shiva et Parvati, les divinités célébrées aujourd'hui. Le couple divin a rejoint sa demeure et sera bientôt installé à l'intérieur
du temple. La foule va peu à peu se disperser... La nuit est tombée.
Quelle heure peut-il bien être ? Combien de temps s'est-il écoulé depuis que nous avons quitté les abords de la plage ? L'atmosphère, l'énergie et l'intensité de la procession étaient si fortes, si denses, si fulgurantes, que c'était comme un rush d'adrénaline démesuré et collectif. Je n'ai jamais rien ressenti de si puissant qui agissait simultanément sur mon corps, sur mon esprit et sur mon âme. J'étais, comme la plupart des personne présentes, totalement transportée. Certaines sensations sont parfois si difficiles à expliquer ou à raconter...
qu'elles doivent être vécues de l'intérieur.

Mardi 3 avril, 4h1 9. Sal vient de partir prendre son train pour Mumbai. Il me reste trois heures avant de monter dans le bus qui me conduira à Rameswaram. Le défi est de ne pas s'endormir, surtout pas maintenant...
6h38. Je viens juste de contempler le lever de soleil le plus incroyable que j'aie jamais vu depuis le toit de l'hôtel... Une boule de feu flamboyante a pris son envol dans un firmament rouge profond. J'en suis tombée dans les escaliers au retour, submergée par l'émotion, l'enchantement et peut-être aussi, un peu, par le manque de sommeil... Assise en tailleur sur le lit, les mains jointes devant le coeur, je prie les dieux et les déesses afin de les remercier. Pour cette magnifique matinée de départ. Pour ce fabuleux voyage que je suis en train de poursuivre. Pour cette rencontre singulière qui a illuminé mon coeur.
6h42. Il est temps d'attraper mes sacs, et de me dire que, tout doucement, mon voyage vers le nord va commencer.
7h01 , à la gare routière. Un chai dans la main gauche et une cigarette dans la main droite. Mon corps est lourd de fatigue ; mon esprit lui, court, danse et jubile à l'intérieur de mon crâne. Voyager seule à nouveau, guidée seulement par la main invisible qui m'accompagne depuis le début.. .
Yes ! I feel so fine, so happy, so immensely grateful.
Je quitte l'extrême sud du pays-continent, le point de rencontre des trois mers. D'ici à l'Antartique, seulement les eaux profondes de
l'océan... Je ne veux pas me réveiller de ce rêve. Oh, mais je suis déjà réveillée ! Ce n'est pas un rêve ? C'est la réalité, la vraie vie ? Un piège ? Une illusion ?
7h25. Trois chais et deux cigarettes plus tard, il est maintenant temps de sauter dans le bus.


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